Le financement ne coule pas à flot : mettre fin à la sécheresse des mesures pour l’eau douce
22 juin 2022
Cet article a paru pour la première fois dans le Hill Times.
L’urgence climatique est une urgence en matière d’eau.
Au Canada, nous subissons les changements climatiques directement par le biais des changements dans notre eau - sa qualité, sa quantité et son caractère saisonnier.
Bref, pour atténuer les changements climatiques et s’y adapter au Canada, il faut commencer par l’eau.
Le Parti libéral l’a reconnu en 2021 en promettant, lors de sa campagne, un Plan d’action pour l’eau douce de 1 milliard $ sur 10 ans. Ce plan permettrait de « protéger et de restaurer les grands lacs et les systèmes fluviaux » à travers le pays, du système des Grands Lacs et du Saint-Laurent aux bassins des fleuves Fraser et Mackenzie.
Pourtant, lorsque le budget 2022 a été publié, nous (une collaboration de leaders régionaux de la surveillance de l’eau) avons été stupéfaits. Le budget ne prévoit qu’un maigre 2 % du Plan d’action pour l’eau douce promis, soit seulement 19,6 millions $. Non seulement le financement est scandaleusement inférieur à l’engagement électoral du gouvernement, mais il est accompagné d’un avertissement inquiétant selon lequel « l’avenir de cette initiative sera communiqué à une date ultérieure ». Le résultat ? Des programmes vitaux partout au Canada sont laissés en plan.
Le gouvernement fédéral doit honorer son investissement promis d’un milliard $ dans la protection de l’eau douce, en reconnaissant pleinement que l’action sur l’eau sous-tend une action climatique efficace.
Maintenant, alors que le Parlement est levé pour l’été, les députés fédéraux quitteront Ottawa pour rentrer chez eux dans leurs circonscriptions. Tout au long des mois de juillet et d’août, ils se rendront, comme de nombreux Canadiens, dans un plan d’eau local pour profiter d’une journée ensoleillée à la plage, d’une partie de pêche amicale ou d’une soirée calme en canot.
Ces cours d’eau locaux rendent la circonscription de chaque député unique. Ce sont des refuges, des foyers et des habitats, dont les gens qui y vivent, travaillent et se divertissent prennent grand soin. Ce sont ces mêmes personnes qui, depuis des décennies, remarquent et signalent des changements dans la qualité, la quantité et le caractère saisonnier de notre eau.
Mais nos députés prendront-ils vraiment note de ces changements régionaux en matière d’eau ? Ou continueront-ils simplement à dire, plutôt qu’à faire, ce qui doit être fait ?
Loin de « l’investissement historique » mandaté par le premier ministre, le Plan d’action pour l’eau douce considérablement réduit dans le budget 2022 mine des décennies d’efforts au niveau des bassins versants pour protéger l’eau douce par le biais de l’Initiative de protection des Grands Lacs et du Programme du bassin du lac Winnipeg. Il soulève des questions sur l’avenir d’autres programmes régionaux sur l’eau, comme l’Initiative des écosystèmes de l’Atlantique. Et il empêche d’étendre cette approche régionale à d’autres bassins versants dans le besoin à travers le pays, comme le delta Paix-Athabasca.
Plus inquiétant encore, il nous prive des ressources et des connaissances dont nous avons besoin pour affronter efficacement l’urgence climat-eau du Canada, dans toutes ses variations régionales.
Par exemple, dans les bassins des Grands Lacs et du lac Winnipeg, le réchauffement des températures de l’eau et les inondations intensifient l’eutrophisation et augmentent la fréquence et la gravité des proliférations d’algues.
Dans le nord de la région de la rivière Peel, le dégel du pergélisol provoque des affaissements et des modifications conséquentes de la qualité de l’eau.
Au Québec, les inondations historiques de 2017 et 2019 ont eu des répercussions importantes sur les cours d’eau et les écosystèmes, mais aussi sur la vie sociale, culturelle et économique des communautés.
Dans le delta Paix-Athabasca du nord-est de l’Alberta, l’utilisation de l’eau en amont par l’industrie des combustibles fossiles et le développement hydroélectrique, et le changement climatique, réduisent cumulativement le débit, limitant la sécurité des déplacements et l’accès aux droits traditionnels.
Au Canada atlantique, le Wolastoq a connu des crues historiques uniques en 2018 et 2019.
Les communautés de tout le Canada savent que ces défis sont urgents. Et en raison de leurs préoccupations, ces divers bassins versants partagent au moins un point commun : les initiatives locales de surveillance de l’eau. Même pendant la COVID, ces communautés ont continué à recueillir des données lorsque les programmes gouvernementaux centralisés avaient du mal à assurer la surveillance.
La surveillance communautaire est soigneusement conçue pour générer les données nécessaires pour répondre aux préoccupations régionales spécifiques que partagent les citoyens locaux, les organisations communautaires, les gouvernements provinciaux et territoriaux et Environnement et Changement climatique Canada (ECCC).
Les programmes antérieurs d’ECCC à l’échelle des bassins versants ont été continuellement affinés, ajustés et améliorés au fil des décennies, en collaboration avec d’autres organismes, ce qui a permis d’établir un lien efficace entre les préoccupations des communautés et les priorités de la politique fédérale. Aujourd’hui, alors que nous faisons face à l’urgence climat-eau du Canada, il existe un risque grave de perturber ces importants liens régionaux, de miner les investissements passés et de compromettre les connaissances locales et régionales sur nos voies navigables en changement.
Ensemble, en tant que leaders de la surveillance communautaire à travers le Canada, nous sommes optimistes que les députés ramèneront leurs expériences estivales à Ottawa cet automne, où ensemble ils pourront prendre des mesures pour protéger leurs cours d’eau locaux.
Le budget 2023 est l’occasion pour le gouvernement fédéral de donner suite à sa promesse d’un milliard $ pour l’eau douce. À partir des bassins versants de cet étonnant pays, nous surveillerons la situation.
Alexis Kanu est directeur général, Lake Winnipeg Foundation ; Carolyn DuBois est directrice générale, DataStream Initiative ; Emma Wattie est directrice, Atlantic Water Network ; Bruce Maclean est directeur, Maclean Environmental Consulting ; Daniel Gladu Kanu est directeur, Lake Winnipeg Indigenous Collective ; et Nathalie Piedboeuf est directrice générale, Groupe d’éducation et d’écosurveillance de l’eau (G3E).
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